LA YAMAHA 250 YZR D'OLIVIER JACQUE  

 

Essai paru dans le magasine SPORT-BIKES N° 5 par Alan Cathcart. 

 

    Peu de titres mondiaux ont été remportés avec autant de finesse que celui des 250 par la YZR250 de l' écurie Tech 3 la saison dernière Après un long coude à coude avec son coéquipier Shinya Nakano, Olivier Jacque a tenté et réussi à Phillip Island un formidable coup de poker dans les toutes dernières secondes du dernier Grand Prix de la saison. Les deux pilotes Yamaha ce qui est assez remarquable dans ce genre de scénario, n' ont jamais pris de risques inutiles qui auraient pu, étant données les circonstances, leur faire perdre le titre au profit de Honda et de Daijiro Katoh sagement embusqué en troisième position. On comprend sans peine l'émotion du patron de Tech 3, Hervé Poncharal, après ce Grand Prix d' Australie, « Je n'ai pas envie de connaître cela une nouvelle fois Remporter le titre mondial, c' est fantastique. Mais nous savions que la plus petite glisse pouvait tout nous faire perdre et nous avons vécu toute la course dans l' angoisse… ». Toujours est-il qu' avec une place de premier et une place de second au championnat du monde, huit victoires en seize courses, huit pole positions, et vingt-trois podiums, le patron de Tech 3 ne pouvait guère espérer mieux. C' est à Jerez, un mois plus tard et quinze jours après avoir testé la Honda de Daijiro Katoh que j'ai eu la chance de pouvoir essayer la YZR 250 d'Olivier. La première chose qui me frappe, pendant que Josian Rustique, le mécanicien de Tech 3, me prépare la moto, ce sont les formes voluptueuses du carénage qui fait de la YZR l'une des plus belles machines du paddock. L' une des plus fiables aussi puisque les deux motos, sur lesquelles il semble plus facile de travailler que sur la NSR, n' ont connu cette année aucune casse mécanique. C'est une moto sur laquelle vous découvrez toutes les dix secondes un nouveau truc à admirer Comme par exemple les deux boîtes à air, dont Honda réclame la paternité, faites d' un très beau carbone incorporant les deux conduits d' arrivée d' air. Ou le magnifique radiateur incurvé qui donne une idée exacte de la chaleur qu'il faut évacuer avec les 90 chevaux selon Yamaha et les 97 plus vraisemblables à 12.800 tours minute. Une puissance légèrement inférieure à celle de la Honda mais beaucoup plus utilisable. Ou les magnifiques pots d' échappement en titane soudé avec d' un côté des silencieux français MIG et de l'autre le Yamaha Power Valve System.Ou les roues allemandes PVM en magnésium qui font gagner 150 grammes à l'avant - et le double à l'arrière - essentiels sur les poids non suspendus.  Ou les suspensions Kayaba que Tech 3 utilise depuis 1995, même sur les Honda, et qui ont certainement joué leur rôle dans ce titre mondial.

 

 

 

 

     

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 Fiche technique: Yamaha YZR 250. -Moteur: 2T, V-Twin à 90°, refroidissement liquide, un seul vilebrequin. -Alésage et course: 54 x 54,5mm. -Cylindrée: 249 cm3. -Puissance: 97ch à 12800t. -Carburation: 2 Keihin à 39 mm. -Allumage: Yamaha CDI électronique digital programmable. -Boîte de vitesses: Extractible à 6 rapports. -Embrayage: Multidisque à sec. -Cadre: Double berceau en aluminium. -Suspension Av: Fourche télescopique inversée Kayaba de 41 mm. -Suspension AR: Bras oscillant en aluminium et amortisseur Kayaba. -Empattement: 1330 mm. -Poids: 97 Kg avec eau et huile mais sans essence. -Freins AV: 2 disques Nissin en carbone de 273 mm et étriers Nissin à 4 pistons. -Freins AR: 1 disque de 200 mm Nissin en acier et étriers Nissin 2 pistons. -Pneu AV: 120/60 x 17 Dunlop. -Pneu AR: 165/55 x 17 Dunlop. -Roues: PVM de 3,75 x 17 à l'avant et de 5,25 x 17 à l'arrière.

 

 

     Les premiers mots d'Olivier, quand il s'est assis pour la première fois sur la moto en l999, ont été « On se sent comme dans un fauteuil... ». Sans avoir le côté jouet de la NSR 250, plus petite, plus étroite et qui à l'air en comparaison d' une grosse 125, la Yamaha semble agile et maniable en dépit de son large carénage qui ne remet pourtant jamais en question ce que la moto peut faire dans les courbes Elle vire merveilleusement bien, avec juste un petit amortisseur de direction pour la maintenir en ligne. Il est par contre situé à droite dans le poste de pilotage, ce qui rend le réglage difficile en roulant. Le moteur est sans doute un peu moins brillant, selon les standards de la catégorie, que celui de la Honda. Mais il est sérieux, plein de bonne volonté et, par-dessus tout, utilisable À tel point qu' il faut le garder au dessus de la marque qu' Olivier a peinte sur le compte-tours à 8800 tours, quand la puissance arrive brutalement pour donner une bonne traction en sortie de courbe. Cela passe aussi moins vite mais pas aussi fort et la partie large de la courbe de puissance est entre 11000 et 13000 tours. Un peu plus de puissance en bas ne serait pas de trop, mais une bonne utilisation de la boite et de son « shifter » parfaitement réglé permet de profiter au maximum de ce dont on dispose. Bien que la lumière du « shifter »  commence à clignoter à 13000 tours, la perte très progressive de la puissance permet de garder le même rapport jusqu'à 13800 tours Il peut même monter jusqu'à 14400 si vous insistez, mais la boite extractible est si facile à démonter pour changer les rapports de boite que cela n'est pas réellement intéressant. Mais les quelques tours supplémentaires trouvés par les ingénieurs de Ichiroh Yoda ont joué un rôle primordial dans le succès d'OJ parce que cela rend la Yamaha plus facile à piloter dans le tohu bohu d' un grand prix en permettant de conserver une vitesse quelques moments de plus s'il le faut. Mais l'élément le plus important est sans aucun doute la tenue de route qui permet de conserver un angle incroyable en courbe tout en restant parfaitement stable, même en passant sur des bosses. Comme, par exemple, à l' entrée de la ligne droite de Jerez où les Kayaba doivent absorber plusieurs bosses, gaz grand ouverts, avec l'amortisseur arrière en compression et l'avant qui déleste. C'est dans ce genre de situation que Nakano se plaignait d' un manque de grip à l'avant sur la moto de 99. Mais les changements apportés par Yoda ont rectifié le tir et, bien que ma cadence ne soit pas celle d'Olivier, le comportement de la Yamaha est au-dessus de tout reproche. Il est une chose, en revanche, à laquelle il faut un certain temps pour s'habituer c'est la commande de frein très douce que OJ aime beaucoup. La première fois que je l'ai actionnée, en accélérant à la sortie des stands pour faire monter la température des disques en carbone avant le premier freinage, j' ai d'abord pensé qu' il y avait de l'air dans le système avant de me rendre compte qu' il fonctionnait parfaitement bien avec une sensation progressive et une plus grande sensibilité des freins qu'avec une poignée du genre « tout ou rien ». Et avec une moto aussi petite et aussi légère – elle n'est qu'à deux kilos de la limite de poids - la puissance de l'étrier Nissin est tout simplement fantastique grâce aux caches qui gardent bien la chaleur des disques de 273 mm. La Yamaha reste parfaitement en ligne sur les freinages violents, malgré les transferts de poids et l'arrière qui se lève et balaye la piste si vous ne prenez soin de freiner de l'arrière pour diminuer ce transfert. Il est amusant de constater que la répartition exacte des poids est l' une des rares données de la moto qui reste « unavailable » (indisponible). Mais elle doit être l' un des éléments qui permet de garder la roue collée au sol, même en courbe, et vous autorise à rentrer très loin dans le virage sans vous soucier de voir la roue avant glisser ou déraper. C'est un peu embarrassant à dire, mais j'ai tourné plus vite à Jerez avec la 250 d'OJ qu'avec la 500 de Carlos Checa. Voici enfin une 250 pour les gens normaux (et grands !), et le fait qu'il a fallu m'en retirer avec une grue pour que Josian puisse livrer la moto à sa nouvelle maison - l'écurie Malaisienne Petronas – le lendemain montre à quel point un ensemble aussi raffiné, produit de quatre années de travail des ingénieurs de chez Yamaha, constitue une aide appréciable pour le pilotage. Dommage que Yamaha se retire officiellement de la catégorie 250 pour essayer de faire la même chose en 500 et se concentrer sur le moteur quatre temps de la saison 2002.

 

 

 

 

    A tel point même que les deux pilotes l'utiliseront l'an prochain sur les YZR500. Ou encore la manière dont Yamaha a réparti judicieusement les masses puisque le point d'articulation du bras oscillant arrière est situé exactement au milieu des 1330 mm de l'empattement, pour augmenter la traction. Ou l'emplacement du V-Twin à 90 degrés et simple carter de 54 x 54,5 de course et d’alésage (à comparer avec le 56 x 50,6 de la moto de Tetsuya Harada en 1993) très en avant pour charger la roue avant Cette disposition est particulièrement appréciée par OJ dont la vitesse dans les courbes rapides le fait plus utiliser l'avant et préférer ainsi un Dunlop plus dur que celui de Shinya Nakano. Mais cela ne s' arrête pas là, parce que le cockpit de la moto de Jacque est sans doute le plus original du paddock avec sa bulle étroite, parfaitement dessinée pour dévier l' air sur votre casque, tandis que les larges flancs du nez protègent bien vos épaules. Et paradoxalement, compte tenu de l'étroitesse de l'ensemble, le poste de pilotage est relativement spacieux, même pour mon mètre quatre-vingt deux.